3 oct. 2008

Celui qui meurt

Il est des anniversaires d'automne,
des anniversaires mornes et doux.

amers et chauds.
Ce jour là, un lundi,
je n'étais simplement pas allée travailler,
sans me poser de questions,
sans appeler pour excuser mon absence.
Plus rien, sauf lui, n'avait d'importance.
Lui, aspiré par ce lit immense,
dans cette chambre d'hôpital pâle.
Des jours et des mois de douleur,
le voir ainsi affaibli,
voir son corps et son visage se creuser, s'amenuiser.
J'aurais aimé pouvoir être là,
mais si souvent j'ai fui.
J'ai fui dans la fête, le soleil, le sexe.
J'ai fui croyant incliner mon corps à la vie,
ressentir la brûlure quand l'anesthésie menaçait.
La veille du lundi,
j'ai croisé une fée en proie,
ensemble on a froissé nos corps en pleurant,
ensemble un peu, on est restées.
Aussi, elle m'a portée à la surface,

m'a donné le souffle,
quand elle aurait préféré simplement m'aimer.
Ce lundi là, je savais sans le concevoir,
qu'il me fallait être là,
près de lui.
Le frère et la soeur aussi le savaient,
et tous étaient là, les trois.
Seule avec lui, enfin,
je lui ai dit ce qui pas même, ne se chuchote.
Je lui ai dit l'amour indicible,
l'oedipe,

comme une mère,
l'amour-propre par lui insufflé.
Ce lundi là,
dans cette chambre orangée de soleil couchant,
il délirait si peu en répétant "je vous amour".
Morphine, héroïne du héros blessé.
Le frère et la soeur à la droite du père,
moi à sa gauche,
nous l'avons laissé aller,
le retenant juste un peu,
encore par la main.
Être là tous les trois,
être là jusqu'à la frontière,
être là,
être avec,
Lui.
Tous les trois pelotonnés,
ensemble ensuite,
nous avons dormi,

d'un sommeil noir et profond.
Trois adultes-chatons,
une dernière fois enchevêtrés, cajolés.
Le lendemain fut un autre monde,
un autre temps,
une autre vie.
L'amour ne sera plus jamais ignoré,
l'amour ne sera plus jamais feint,
l'amour ne sera plus jamais sacrifié.

"Ceux qui meurent nous apprennent à vivre".


Emmanuelle

2 commentaires:

what'sup a dit…

magnifique .....j'ai peur que cela ne m'arrive aussi, tellement peur ....

EmJ a dit…

On en parle tellement jamais , on sais tellement pas comment gerer ça ..

L'essentiel c'est d'etre là, jusqu'au bout.