30 avr. 2008

Quand minorité sexuelle ne rime pas avec gouine

Ce soir, en rentrant du taf, j'écoutais France Culture et je suis tombée sur une émission qui a retenu mon attention. C'était "travaux publics" avec un sujet intitulé "Maroc : Islam, libertés et minorités sexuelles". Il y avait notamment les invités suivants : l'anthropologue Valérie Beaumont et l'écrivain Abdellah Taïa. J'ai ensuite passé une heure, dans ma caisse garée devant ma maison pour écouter la suite de l'émission. Pourquoi ne pas être rentré chez moi pour écouter tout ça vautrée dans mon canapé, me direz-vous? et ben parce que j'habite toujours dans le trou du cul de l'hexagone et que je ne capte France culture ni sur ma chaîne, ni sur le net. Bref, la voisine a du se demander ce que je fabriquais assise dans ma voiture pendant une heure, à fumer des clopes le regard dans le vague... c'est cool, je continue d'alimenter ses commérages, maintenant elle va pouvoir dire que je suis vraiment cintrée.
Donc, cette émission traitait de l'homosexualité au Maroc. Intéressant me direz-vous encore!! Et bien ce que j'ai rapidement compris, c'est que par "minorités sexuelles", il fallait entendre homosexualité masculine et masculine exclusivement. L'invité écrivain a expliqué que l'homosexualité est de plus en plus tolérée au Maroc et que certains couples d'hommes n'hésitent pas à se tenir par la main dans la rue et à s'afficher. Les minutes défilant, j'attendais toujours, grande naïve que je suis, que les invités abordent, l'homosexualité féminine. Mais non, rien. L'émission arrivait à son terme quand 2 mn avant la fin, une jeune femme éclairée a posé la très pertinente question suivante "qu'en est-il de l'homosexualité féminine au Maroc?". Enfin, in extremis, le sujet était sur le tapis. Réponse de l'anthropologue "l'homosexualité féminine au Maroc est inexistante, invisible. Pour les gens, une vraie sexualité implique la présence d'un homme". et voilà, nous en sommes toujours au même point crucial, la sexualité lesbienne n'existe pas parce qu'elle n'est pas considérée comme une sexualité à part entière, mais comme une blague. J'ai enfin la réponse tant attendue, il n'y a pas de gouines dans les pays du Maghreb!! Je ne vais pas m'étendre sur les sujets abordés au cours de l'émission, si ce n'est sur une affaire qui fait scandale au Maroc depuis quelques mois. Dans le sud du pays, un homme marié et ayant deux enfants a organisé une fête ou semble avoir été célébré un mariage gay. Un invité à filmé la teuf et elle s'est retrouvée sur youtube. http://fr.youtube.com/watch?v=JYk3SNgFYpA

Le pays tout entier s'est emparé de l'affaire, les habitants du village ont tenté de lyncher l'organisateur, les islamistes radicaux ont crié au blasphème, à l'institutionnalisation de l'homosexualité. Un lynchage médiatique s'en est suivi, l'affaire a fini devant la justice car l'homosexualité est sanctionnée par la loi. Ce mariage finit en récupération politique et les personnes présentes à cette fête vont certainement passer de sales moments. L'issue du procès n'a pas été évoquée.

En tous les cas, gouines ou pas gouines, la question est de savoir si les femmes marocaines peuvent penser, vivre une réelle émancipation et goûter à une vie sexuelle épanouie? Et quand même, j'aimerais beaucoup savoir comment font les gouines marocaines pour trouver leur oxygène. Depuis 2004, grâce à la volonté du roi Mohammed VI et aux pressions des modernistes, un nouveau code de la famille, la "Moudawana", a été adopté par le Parlement. Une réforme qui a permis à la femme d’obtenir quasiment les mêmes droits que les hommes au sein de la famille. Cette réforme a provoqué la colère des fondamentalistes mais qu'en est-il en réalité au quotidien, dans le couple, dans la vie professionnelle?


Butchy Fem

4 commentaires:

aubergine a dit…

Bonjour,

Je suis l'anthropologue qui a parlé de l'homosexualité au Maroc à l'émission Travaux Publics. Je voudrais simplement vous dire que lorsque je dis que l'homosexualité féminine au Maroc n'existe pas, j'emprunte l'idée qui est majoritaire dans ce pays. Bien entendu qu'elle exixte! Mais la tendresse, l'érotisme et l'affection entre femmes ne sont pas perçus comme une "activité sexuelle". Le machisme fait en sorte que l'absence d'un homme lors du rapport ne permet pas de parler d'un relation sexuelle. Les textes des exégètes musulmans ont cependant traité des rapports érotiques entre femmes, les condamnant. Mais les condamner (tout comme ils ont condamnés les raports entre hommes, l'amour oral, etc.) c'est les reconnaître... Aujourd'hui, on ne les envisage que très rarement.

Je pars en Tunisie pour un autre terrain. Je compte me pencher davantage sur les lesbiennes. Le sujet est très mal documenté.

Je vous souhaite du courage, du plaisir et du bonheur.

Valérie Beaumont

Anonyme a dit…

Bonjour, j'ai réalisé une interview d'une lesbienne algérienne si ça vous intéresse ! voir les pots du mois de mai.

Anonyme a dit…

Madame ou Mademoiselle Aubergine, alias Valérie BEAUMONT,
je suis très flattée que vous ayez daigné laisser un comment sur mon très modeste post concernant l'émission "travaux publics" Maroc : Islam, libertés et minorités sexuelles" à laquelle vous avez participé.
Tout d'abord, j'ai bien compris que lorque vous expliquez que l'homosexualité féminine n'existe pas au Maroc, vous voulez suggérer qu'elle n'est pas reconnue et demeure invisible. Mais que voulez-vous, pour argumenter mon post, j'ai joué la candide et choisi de prendre vos propos au pied de la lettre. J'étais tout de même très contente qu'une jeune femme pose la question de l'homosexualité féminine puisque le sujet n'avait pas du tout été abordé jusque là, ce que je ne comprenais pas, compte tenu du titre de l'émission "Maroc : Islam, libertés et minorités sexuelles". En effet, comment parler de minorités sexuelles sans aborder la question des lesbiennes? je considère que l'indifférence peut être une violence. Peut être que simplement, l'homosexualité féminine n'était pas le sujet de l'émission et dans ce cas, le titre était mal choisi.
Quoiqu'il en soit, merci pour votre contribution à cette émission qui était très intéressante pour ce qui concerne les gays du Maroc. Je vous souhaite bonne chance pour vos travaux en tunisie, où je l'espère vous pourrez creuser la question des lesbiennes car j'imagine aisément le manque de documents à ce sujet et les difficultés que vous allez rencontrer. Je trouve que le choix de vos sujets d'étude est très osé et pertinent car peu taités, complexes et "terrain miné".

Bonne continuation

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je suis par hasard tombée sur ton article, et je le trouve particulièrement intéréssant dans la mesure où ça fait un bon moment que je cherche des informations sur le sujet -à savoir l'homosexualité féminine au Maroc-, que ce soit sur le net ou ailleurs, mais je n'ai toujours rien trouvé de concluant.
Mais juste pour te répondre, par rapport à l'éxistence ou non de 'gouines' au Maroc, je te dirais qu'elles existent, certes, mais elles sont particulièrement déséspérées. Elles ne se sentent libres de proclamer haut et fort leur homoséxualité que sur internet, plus spécialement sur des forums où elles sont certaines de ne croiser aucune personne de leur entourage en se cachant derrière divers pseudonymes. Et généralement leurs messages ressemblent à ça : " Où êtes-vous lesbiennes du Maroc?" ou bien " Je ne savais pas qu'il y avait tant de lesbiennes dans la même ville que moi!!" après en avoir vu une dizaine sur le forum. Alors après ça, je doute vraiment qu'elles aient une vie amoureuse assez épanouie...mais le Maroc nous surprend toujours et je ne pourrais te certifier mes dires! Finalement qui sait ce qui se passe vraiment au Maroc? Personne, même pas les marocains...