3 mars 2008

Gouines invisibles deuxième épisode


Cette semaine, je travaillais dans un centre socio-culturel, auprès d’adolescents de 10 à 18 ans. Certains parmi eux ont réalisé, l’an passé, des courts-métrages sur le racisme, et la prévention des conduites à risques liées à la sexualité. Etait abordé le sida, la fidélité, l’homosexualité masculine, l’amour…Courts-métrages de qualité et pertinents.
Ils ont été projetés un soir, au cinéma de la ville. Le gratin était là : Mme La Présidente du centre socio-culturel, le directeur, les animatrices, les jeunes, les parents. Une soixantaine de personnes. Etait aussi de la partie une personne travaillant à la CPAM, chargée de la prévention auprès des jeunes, personne très active, qui a un bon contact avec les jeunes, qui est porteuse de projets intéressants. Apres les courts-métrages, vient un temps d’échanges autour d'un QCM proposé aux participants pour aborder des questions et apporter des réponses : « que signifie VIH ? » » Quels sont les moyens de contraception ? »,
« quelle est la définition du viol »...ect. Cet échange était mené par cette personne de la CPAM, vu que c’est son métier de sensibliser, et d’informer.

Enfin, la question de l’homosexualité est soulevée. Bien sur, ici, on ne parle que d’homosexualité masculine, et des risques liés au VIH, les capotes, le droit d’aimer, le respect de la différence et tout le tintouin, ce qui est très bien. Tout le monde est content de cette ouverture d’esprit générale. Bon déjà, j’ai tiqué lorsque la CPAM’s girl, dit qu’effectivement, le SIDA était la maladie des homosexuels lors que c’est apparu dans les années 80. Bon, ok, c’était une population très touchée, mais il serait temps de casser cette image que le SIDA est une maladie de PD, ce qui laisse entendre au premier venu de base que c’est à cause des PD si le SIDA est arrivé sur le marché des MST. Je trouve cela restrictif et stigmatisant. Bon ok, après, elle a dit que maintenant, les hétéros sont plus touchés par le VIH que les PDs. (elle ne disait pas PD, hein !) Donc, elle explique que le risque de contamination est plus élevé lors de rapports anaux, car ce sont des muqueuses plus délicates et qu’il y a de plus grands risques de saignements, donc de contamination.

Naive que je suis, je m’attend à ce qu’elle aborde la question de la prévention lors des rapports lesbiens. Mais je rêve doucement je crois !! la grande absente du débat : l’homosexualité féminine. Pas un mot. Dans un énervement légérement contrôlé, je demande à travers la salle, sur un ton assuré et un brin provoc (j’étais assise au fond de la salle de ciné) : « et pour les lesbiennes ??? ». Arggggghhhhh ! Panique dans les rangs. L’intervenante bafouille. La présidente du centre socio-culturel (mon employeur !) se retourne et me jette un regard outré et plein de reproches. Le directeur tout à coup gigote sur son siège comme si une mouche l’avait piqué. Ma collègue, elle aussi gouine, assise à mes côtés, pique un fard monstrueux. Des têtes se retournent : parents et jeunes. Et ben dis donc, qu’ai-je donc dit de si dérangeant !! La CPAM girl répond à ma question. Pas à l’aise du tout. « Et bien, c’est différent pour les homosexuelles, c’est pas la même pratique, et vu que il n’y a pas de pénétration, le risque est vraiment minime. Ce sont justes par les sécrétions vaginales, je pense. Et il faut qu’il y ait une partenaire contaminée.» La personne a enchainé direct sur un autre sujet. Le débat était clos.

Wahou, chapeau, c’est sûr que pour qu’il y ait contamination, faut qu’il y ait une personne contaminée, hein, ça, c’est pas un scoop !! Là, tout à coup, une colère mêlée à une certaine tristesse m’a envahie. J’ai eu envie de gueuler dans la salle, « mais si, elles se pénétrent les meufs, dans la chatte, dans le cul, avec les doigts, la main entière, avec des godes, des vibros, des légumes, même que des fois, elles se tripotent pendant leurs règles parce qu'elles ont trop envie de baiser !! »
Mais je me suis tue. Tout à coup, j’ai pris conscience de notre non-existence, en tant que femmes-amantes. J’ai bien senti, de par les regards et les comportemens des gens, que j’avais soulevé un tabou judéo-chrétien bien ancré : pour baiser, il faut une bite. Il faut un homme. Donc, les PDs eux, peuvent baiser. Ils ont même deux bites ! Mais comme d’hab, nous, on se chatouille juste l’épaule et on jouit du coude !

Mais ce qui m’a vraiment rendu plus que perplexe, c’est que cette personne, censée faire de la prévention auprès des jeunes, parler de sexualité, de respect des différences, soit aussi peu informée sur une sexualité. C’est pour moi la première forme de non-respect et de violence : l’IGNORANCE.
D’ailleurs, quand j’étais ado, j’aurais bien eu besoin d’entendre parler de lesbianisme pour me rassurer, m’épanouir, me prévenir, me sentir acceptée et intégrée. J’imagine que c’est le cas pour pleins de meufs, ados ou pas d’ailleurs.

Pour clôturer le tout, une des anims est venu me voir après pour dire que j’avais été courageuse de poser cette question. Et ben, ça veut tout dire, quand même, nan ?!
Si poser une question sur la prévention du SIDA chez les lesbiennes à une soirée sur la prévention et les sexualités, prônant respect de l’autre et meilleure connaissance des pratiques, relève du courage, la route va encore être bien longue, mes amies.


Pédée Sexuelle

6 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'on n'en entend pas beaucoup parler, enfin maintenant un peu plus, quand même. Mais perso, parmi les filles que j'ai fréquentées, aucune ne se protégeait jamais, comme si on avait une auto-immunité en tant que lesbiennes, alors qu'on se pénètre aussi, que nos sécrétions se mélangent etc... Même le cunni, enfin moi je n'ai jamais connu de nana qui se protège pour le pratiquer.

Anonyme a dit…

oui, moi non plus, je ne connais aucune lesbienne a s'etre protégée contre les MST. Ca peut interroger quand meme.

Anonyme a dit…

Une pote m'a fait la même remarque lorsque la mutuelle étudiante est venue distribuer des capotes (masculines uniquement, évidemment!)devant le Restau U :

sur l'emballage desdites capotes, on voyait plein de petits couples (un pour chaque mois) dans des positions très explicites.;-) Les filles étaient juste différenciées des garçons par des cheveux longs. Eh bien devinez quoi : ils avaient pensé à mettre des mecs ensemble...mais pas une lesbienne à l'horizon!

Et la télé fait de même : on commence à vouloir nous montrer des couples de gays, mais pas de gouines...

Anonyme a dit…

C'est finalement pas très étonnant que beaucoup d'entre nous ne se soient jamais protégées: manque d'info mais aussi manque de connaissance de pas-mal de professionnels dans le domaine de la santé... vous avez déjà parlé de digue dentaire à un pharmatien? leur réaction fait rire (jaune)!

Je pense qu'ils sont nombreux à penser qu'on ne prend notre pied qu'en se touchant le nombril...

Anonyme a dit…

Je l'ai essayée une fois, la digue dentaire, et encore c'était pour rire... Ben on comprend mieux pourquoi ce n'est pas davantage utilisé...

chloé a dit…

deja rien que le nom "digue dentaire" est ce que quelqu'un peut m'expliquer?
j'aime bien cette definition de digue "Ouvrage construit en travers ou en bordure d'un cours d'eau ou d'une étendue d'eau dans le but de stopper l'écoulement de l'eau. Une digue peut être construite par l'être humain et par le castor.waouh.
par contre "dentaire"? petit castor tu utiliseras tes dents pour faire une digue?

j'en ai deja utilisé mais effectivement plutot pour tester, jamais dans un but de prevention.
par ailleurs j'ai une ex pharmacienne et on a fait un test avec les visiteurs medicaux de leur demander des digues, et bien ça vaut le detour.
petite precision il faut les commander par paquet de cent, il faut vraiment un pharmacien militant si tu en veux ;)