8 mai 2008

Devenir Femme

Vers l'âge de 12 ou 13 ans, j'ai voulu arrêter de grandir. Tout ça a duré jusqu'à mes 17 ans. Vers 12 ans, les copines de ma mère n'arrêtaient pas de me demander, inlassablement "alors ça pousse?" en faisant référence à mes petits nénés. elles posaient la question lors des repas entre amis du dimanche midi devant tout le monde. J'avais des envies subites de meurtre, je m'imaginais en train de les rouer de coups de pied et de poing pour cette intrusion dans mon intimité. Si j'avais été maligne, je leur aurais rétorqué "alors ça tombe?", mais j'étais timide et écorchée, alors je restais mutique. Plus tard, vers 15 ans, n'étant toujours pas réglée, mes parents m'ont emmené consulter une horde de médecins et spécialistes ès ragnagna. Mes parents étaient inquiets de ce retard alors que moi j'étais soulagée de rester encore un peu une enfant. Je n'avais pas envie de devenir femme. Je n'avais pas envie d'être un garçon, je les enviais mais je les trouvais vraiment trop cons. Je n'avais simplement pas envie d'être une femme. Je pressentais la contrainte d'être femme, je ne voulais pas des règles, pas de la maternité, pas des seins, pas des formes. J'ai voulu contrôler mon corps pour qu'il demeure comme j'aimais, fin et androgyne. J'ai fait la guerre de l'assiette. Je n'avais pas envie de devenir comme ma mère, comme ses amies. J'ai commencé à détester ma mère, je lui en voulais de m'avoir faite fille et de vouloir me modeler à son idée. J'avais envie d'être quelque chose qui n'existait pas, qui n'avait pas de mot. J'avais envie d'être moi mais j'ignorais par quel chemin. Alors j'ai meurtri mon corps pour qu'il me soit fidèle.


Ma vie a changé au lycée, j'ai eu de nouvelles amies, je me suis sentie plus à l'aise dans mon corps, j'ai pu dire "je crois que je préfère les filles", mes règles sont arrivées pour mes 17 ans. Dans ces conditions, je pouvais devenir FEMME. Je ne suis pas devenue Femme parce que j'ai eu mes règles et que j'ai accepté mes formes. Je suis devenue Femme parce que j'ai compris que je pouvais l'être à ma façon, selon mes critères et surtout demeurer libre, explorer le monde, la vie, l'amour et inventer mon genre féminin.



Butchy Fem

8 commentaires:

sArAhAnne a dit…

Woaw...!

Dirty a dit…

Je comprends mieux le pseudo Boutchy fem (je déconne)

C'est intéressant le coup des règles... moi j'ai pas pu éviter ça, ça a commencé à l'âge de 10 ans, pendant une ronde à l'école primaire sous le préau (les boules hein) et ma mère n'avait jamais eu le temps de m'expliquer avant... et quand elle m'a dit que ça allait être comme ça presque toute ma vie et que toutes les femmes vivaient ça, j'ai crû que je m'en remettrais jamais... à 10 ans, en plus, j'étais très loin de me sentir Femme (déjà oui)

Zéline a dit…

Il est à la fois beau et poignant ton témoignage, Butchy Fem. Il parlerait à pas mal d'adolescentes... j'en suis sûre...

Anonyme a dit…

Je ne sais pas pourquoi mais quand tu dis des trucs profonds comme ça j'ai une envie folle de te charier et j'ai grave la connerie qui vient...alors bon je vais rester mesurée comme d'hab' et te dire...ha quelle chouette femme elle est devenue ma mie....

Anonyme a dit…

Je compatis, moi aussi j'ai dit : "tiens j'ai les nichons qui poussent!" et hop c'était déjà fini.
Mais je m'aime bien mon corps maintenant.
Katasandan
lesbien.canalblog.com

Anonyme a dit…

c'est un très joli témoignage, qui résonne sans doute dans la tête de nombreuses autres femmes. J'ai aussi "meurtri mon corps pour qu'il me soit fidèle" comme tu dis...J'ai, tu as, nous avons, inventé notre genre féminin.... et tu sais quoi ? ben je crois qu'on réussi plutôt bien... Non ?
Bulledimage.

Les gouinettes poltronnes a dit…

Contente les filles que ce texte résonne en vous. Et oui, l'arrivée des règles, surtout à 10 ans (je compatis DWE) quand on est encore une petite fille, ça peut être une épreuve, un cataclysme. Les règles, c'est plein de sentiments paradoxaux, c'est la contrainte, l'absence de contrôle sur son propre corps, le pouvoir de la maternité, la preuve d'une fertilité, d'une jeunesse encore, de possibles... et moi, je vous raconte pas, ça me met dans des états de tristesse et de rage quand elles pointent leur nez, mes menstrues. Y'a un super arcticle la dessus dans Scum Grrl ou les filles avancent l'idée que vu que c'est douloureux et parfois inutile, pourquoi ne pourrait-on pas décider de ne plus avoir nos règles. Bon après vient le problème des hormones... mais c'est vrai, pourquoi les labos pharmaceutiques ne se st pas penchés sur la question. Peut être parce qu'une femme doit avoir ses règles pour être une "vraie" femme, et qu'elle doit en passer par la souffrance aussi.
Bon je sais ma réponse est longue mais j'ai encore 1 ou 2 trucs à dire. Je pense que beaucoup de femmes savent ce que ça signifie que de se meurtrir, de souffrir, de se priver, de se sacrifier, de s'oublier, de s'écraser, de pas oser... parce que c'est qu'on met dans le crâne des petites filles comme une litanie muette et ancestrale... je sors du ciné et le film que j'ai vu me donne la rage et l'envie de vous appeler "sisters". Je vous aime beautiful ladies !! et oui Ma Marilou je trouve aussi que je suis devenue une chouette meuf, je suis amoureuse, belle dans ses yeux, dans les miens aussi et d'abord... et Libre, je me sens libre. Toi aussi t'es une chouette femme Maryline!!

Butchy Fem

Anonyme a dit…

100% d'accord avec toi au sujet des femmes qui apprennent des l'enfance qu'il faut souffrir et s'écraser... le travail de la gouine pour moi c'est justement des désapprendre ça!